Je m’appelle Franck Bergeron. Vous ne me connaissez pas, mais dans 24 heures la France entière entendra parler de moi. Enfin, d’une certaine façon…
Je vis en solitaire, je n’ai aucun ami et je suis fâché depuis bien longtemps avec tous les membres de ma famille. La petite chambre de bonne dans laquelle j’habite, tout en haut d’un immeuble vétuste en plein centre de la capitale, dégage des relents d’humidité. Les toilettes, qui sont sur le palier, sont infestées de cafards. Oui, mon proprio est ce qu’on appelle un marchand de sommeil. Il s’en met plein les poches et s’enrichit sur notre dos. Mais tout ça je m’en fous. Je l’ai choisi. Bien sûr, j’aurais pu me payer un trois pièces propret dans un quartier branché, mais voilà, j’ai choisi de vivre à la dure. J’ai renoncé au complet cravate que j’ai troqué contre une tenue moins conventionnelle : jean troué, tee shirt délavé et blouson de cuir élimé. Vous pensez que je suis complètement fauché, une sorte de looser qui vit de petits boulots. Et bien vous vous trompez. Je ne suis pas celui que vous croyez.
Dans une autre vie, j’étais conseiller financier. Je me suis fait tout seul, mon ascension je ne la dois à personne. De l’argent, j’en ai vu passer. J’en avais les mains pleines. Pendant que le commun des mortels trimait et économisait chaque centime pour pouvoir arriver à la fin du mois, je pouvais claquer en quelques jours ce que vous ne gagnerez jamais en trente ans de carrière. Jusqu’au jour où on m’a fait porter le chapeau pour une erreur que je n’ai pas commise. Dix ans de prison, avec remise de peine pour bonne conduite. Le monde de la finance m’a oublié. Mais pas moi. Je n’ai rien oublié. Je n’ai rien pardonné. Pendant toutes ces années, j’ai eu le temps de peaufiner ma vengeance. Dès ma sortie de prison, j’ai contacté les plus grands dans le domaine de la sécurité informatique, des petits génies comme on dit. Un russe et deux français, des pointures en piratage. En alliant nos compétences respectives, nous allons porter un grand coup. Nous sommes prêts.
AFP – 14 mai 2014
– 10h30 GMT
Dès l’ouverture des marchés financiers, on a pu assister à une chute vertigineuse des valeurs boursières. Le CAC 40 continue à plonger, entraînant dans son sillage les bourses de Londres, Madrid et Franckfort. Tous les pays ont les yeux rivés sur la France.
11h GMT – Les valeurs boursières continuent à chuter de façon spectaculaire. Aucun expert n’est en mesure de donner une explication à ce qui se produit.
11h30 GMT – Le président des Etats Unis a décidé de fermer Wall Street pour éviter les spéculations. La bourse de Tokyo a fait de même quelques minutes plus tard.
19h GMT – Le chaos règne dans toutes les capitales et commence à s’étendre aux grandes villes. La police craint le pire à l’approche de la nuit.
« Nous avons réussi ! » Une ambiance de fête règne dans la petite chambre de bonne. Moi et les trois autres avons empoché un sacré pactole. « De quoi vivre confortablement pendant plusieurs siècles », a précisé malicieusement Jean-Paul.
— N’oubliez pas, il va falloir faire profil bas pendant quelques temps. N’étalez pas trop vos richesses, même si personne ne pourra jamais nous démasquer.
Avant de nous séparer, il nous reste à éliminer toute trace de notre forfait. Après avoir effacé le contenu des disques durs, il nous faut détruire tout le matériel informatique. Mais pas ici. Il se trouve que je connais un terrain vague qui fait office de décharge, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Paris. Là, nous pourrons nous en donner à cœur joie. Aucun risque d’être dérangés. Après avoir entassé le matériel dans le coffre de la Mégane, direction le périphérique. Passée la porte de Clignancourt, l’autoroute nous mènera à destination en moins d’une heure. La circulation est fluide. Au moment où nous nous engageons sur la bretelle de sortie, une longue file de voitures est à l’arrêt. Un bouchon.
— C’est pas vrai ! siffle Bruno. Il ne manquait que ça !
— Pas de panique. On est à Paris, n’oublie pas.
C’est alors que je comprends. Un barrage routier a été mis en place. A présent, il est impossible de faire demi-tour.
— Papiers s’il vous plait. Veuillez ouvrir votre coffre.
— Mais que se passe-t-il ?
— Vous n’avez pas vu les scènes de pillage à la télé ? On a dérobé des tableaux au Louvre la nuit dernière. Tout ça à cause d’un bug informatique qui a fichu une pagaille monstre.
J’ouvre le hayon, en essayant de maîtriser le tremblement de mes mains.
— Et ça, c’est quoi ? fait le gendarme en désignant le contenu du coffre.
— Du vieux matériel que nous amenons à la décharge.
— Vous appelez ça du vieux matériel ! Mais dites-moi, c’est du hightech ! Vraiment, vous allez le jeter ? Et bien moi, je veux bien le récupérer. Dédé, tu viens m’aider ? fait-il en se retournant vers son collègue. Nous allons débarrasser ces messieurs.
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Les coulisses
C’est ce que m’a inspiré la citation de Pierre Dac : voir ici.
Je me suis un peu éloignée de l’idée principale, mais je n’y suis pour rien. Une fois de plus, le personnage n’en a fait qu’à sa tête…